
La montée des eaux
Pièce brève pour huit acteurs sur le thème du dérèglement climatique et de la solidarité.
Cham : Tu as l'air bien tracassé grand-père.
Le grand-père : Tu trouves ?
Cham : Oui. Ton front se ride comme le sable de la plage, sous le vent de l'Est.
Le grand-père : Ah. Tu remarques tout toi...
Cham : Qu'est-ce qui te tracasse, alors ?
Le grand-père : C'est que... Depuis quelques temps nous ne prenons plus guère de poisson.
Cham : C'est vrai. J'ai entendu plusieurs hommes du village le dire.
Le grand-père : Oui, ça inquiète tous les pêcheurs. Mais ce sont des choses auxquelles des enfants de ton âge ne devraient pas avoir à penser.
Cham : Pourquoi ? Cela concerne toutes les familles. Si tous les pêcheurs de l'île s'en inquiètent, moi aussi, ça doit me préoccuper. Dans quelques années, je serai un pêcheur.
Le grand-père : Je le souhaite, mon cher enfant. Moi je suis un vieil homme, et bientôt je ne pourrai plus guère affronter la mer, les coups de vent, la dureté des vagues... Bientôt tout cela ne voudra plus de moi. Mais toi, tu as toute une vie à faire.
Cham : Oui. C'est pourquoi ce qui vous préoccupe à propos de la mer doit me préoccuper aussi.
(Le grand-père pousse un grand soupir).
Le grand-père : C'est vrai.
Cham : Et tu crois vraiment qu'il y a moins de poissons qu’autrefois ? Ou est-ce que ce n'est pas plutôt juste une mauvaise saison ?
Le grand-père : Non, mon enfant. Il y en a vraiment moins. Ça a débuté quand l’eau a commencé de nous prendre de la terre.
Cham : Ça aussi, j’en ai entendu parler. Je l’ai même observé un peu.
Le grand-père : Oui. C’est particulièrement visible depuis que tu es enfant. Là où il y avait des huttes, avant ta naissance, il y a aujourd’hui de l’eau plus haut qu’une hauteur d’homme. Le niveau de la mer est monté, et il continue de monter. Et on dirait que plus elle monte, plus les poissons, eux, se retirent.
Cham : C’est étrange, grand-père. Ils pourraient suivre la montée de la mer, au lieu de partir en sens inverse.
Le grand-père : Et pourtant ce n’est pas ce qu’ils font. En fait, on dirait qu'ils partent toujours plus loin. Il m'est arrivé deux ou trois fois d'être emporté vraiment au large par le courant, et de ne pas pouvoir revenir vers notre île avant deux ou trois jours de navigation difficile. Et ces fois-là, alors que j'étais à de grandes distances de la côte, j'ai fait de très bonnes pêches. Et la même chose est arrivée à la plupart des pêcheurs. C'est pourquoi nous pensons tous que les poissons ont déserté nos côtes, ils sont allés vivre loin de notre île, dans le Grand Océan.
Cham : Mais pourquoi ça grand-père ?
Le grand-père : Je l'ignore. À vrai dire, c'est à ça que j'étais en train de penser quand tu es arrivé tout à l'heure.
Cham : Tu crois que nous les avons trop pêchés ? Tu crois que nous avons vidé notre mer de tous les poissons qu'elle contenait ?
Le grand-père : Non, je ne crois pas. Mon père pêchait déjà autant que ce que j'ai péché dans ma vie. Et avant lui mon grand-père, et le grand-père de mon grand-père. Nous, les habitants de l'île, avons toujours vécu de ce que nous offre la mer. Et elle n'a jamais cessé de nous donner de quoi vivre.
Cham : Crois-tu que nous ayons fait quelques erreurs ? Crois-tu que nous ayons fâché la mer ? Ou que l'un d'entre nous ait insulté le roi des poissons, pour que celui-ci ait un jour décidé d'emmener son peuple vivre loin de nos côtes ?
Le grand-père : Je ne sais pas, mon fils. Je crois que tous, nous avons toujours respecté la mer. Chaque fois que nous nous aventurons sur ses eaux, nous disons les prières de demande et les prières de remerciement. Chaque année, à la saison des pluies, nous entonnons les chants pour que l'eau soit renouvelée.
Cham : C'est vrai, nous faisons tout cela grand-père. J'observe les pêcheurs quand ils embarquent le matin, et je les vois toujours dire leur prière avec douceur.
Le grand-père : Oui mon fils. C'est comme ça qu'il faut prendre la vie. Ne jamais oublier qu'elle est plus grande que nous, et que nous sommes ses invités.
Cham : Alors, grand-père, si nous n'avons pas insulté la mer... Nous n'avons pas offensé le dieu des poissons... Que peut-il bien se passer, dans le fond des eaux, qui fait que nos filets nous reviennent de moins en moins lestés ?
Le grand-père : C'est ce que j'essaie de comprendre. Mais malgré mes efforts, je ne le comprends pas. C'est pourquoi je pense que je vais demander conseil à notre sœur de sagesse.
Le grand-père rend visite à la magicienne du village, la sœur de sagesse.
La magicienne : Entre vieil homme. Prends place ici sur la natte.
Le grand-père : Merci.
La magicienne : Que veux-tu savoir ? Pourquoi viens-tu me consulter ?
Le grand-père : Ma sœur, je viens pour une question d'importance.
La magicienne : Cela je le sais. Il suffit de voir ton visage et l'inquiétude qui s'y exprime. Il suffit aussi de te connaître un peu, toi qui n'es pas loin de moi en sagesse, pour savoir que ce qui guide ta visite aujourd’hui n'est pas une chose sans importance...
Le grand-père : Tu dis vrai, ma sœur.
La magicienne : Alors parle, je t'écoute.
Le grand-père : Je viens à cause de la pêche, qui devient plus mauvaise de saison en saison. Au temps de mon père, le poisson abondait. Quand j'étais jeune pêcheur, il venait généreusement se perdre dans mes filets. Mais aujourd’hui, c'est mon fils qui part le matin sur sa barque, et les poissons se font rares. Qu’en sera-t-il demain quand mon petit-fils, qui est encore enfant, prendra à son tour la barque ?
La magicienne : Oui, j'ai entendu ce problème être évoqué par plusieurs hommes avant toi. On dirait que quelque chose ne va plus aussi bien qu'avant, avec le peuple des poissons.
Le grand-père : Peux-tu me dire pourquoi, femme de sagesse ?
La magicienne : Je peux essayer. Je peux demander aux esprits de me dire la cause de la pêche pauvre. Peut-être accepteront-t-ils de me renseigner, puisque c'est notre survie dont il est question ?
Le grand-père : Je te remercie.
(Elle place un tissu sur sa tête, s'absorbe, se met à chantonner en battant doucement des mains. Après quelques instants de cette prière, elle enlève la couverture).
La magicienne : J'ai appelé l'esprit des ancêtres de l'île, qui a accepté de venir répondre à notre demande. Il avait à cœur de nous aider, mon frère. Lui aussi semblait inquiet pour nous.
Le grand-père : C'est vrai ?
La magicienne : Oui, c'est vrai. Il voulait vraiment nous aider. Et j'ai écouté ce qu'il avait à dire.
Le grand-père : Qu'a-t-il dit ?
La magicienne : Il a dit que la mer était malade. Que jusqu'à l'horizon, et bien plus loin que tout ce que nous pouvons voir, la mer est malade, gravement malade. Elle souffre d'une grande tristesse qui rend ses eaux lourdes et fatiguées, qui les charge de colère et de regret. Oui, l'âme de la mer souffre d'une grande tristesse qui la sépare des hommes. C’est pourquoi elle gonfle et vient prendre le bord de nos terres, et c'est pourquoi les poissons s'en vont de nos côtes et se réfugient dans le Grand Océan.
Le grand-père : Et a-t-il dit pourquoi la mer était malade ?
La magicienne : Oui. Il en a parlé.
Le grand-père : Qu'a-t-il dit ? Dis-moi ma sœur. Mon cœur est serré d'inquiétude et je veux savoir de quoi souffre la mer.
La magicienne : Il y a dans les pays lointains, au-dessus de la course du soleil, des hommes qui n'ont pas de bateau et qui ne pêchent pas. L'esprit me les a montrés. Ils n'habitent pas dans des îles mais dans des terres grandes comme l'océan. Ce sont ces hommes, mon frère, qui ont contrarié la mer au point de la rendre malade.
Le grand-père : Qu'ont-ils fait ?
La magicienne : Ils ont construit de grandes choses étranges qui crient dans le ciel des bruits insupportables et qui jettent jour et nuit des fumées empoisonnantes. Ce sont des hommes qui vivent comme des diables. Je regrette même que l'esprit me les ait montrés.
Le grand-père : Ils sont si mauvais que ça ?
La magicienne : Ce n'est pas vraiment qu'ils soient mauvais. On dirait plutôt qu'ils ne savent pas comment vivre. Ils ne savent ni construire un bateau, ni réparer un filet, ni faire une prière avant de prendre à la terre ce dont ils ont besoin pour vivre.
Le grand-père : Je comprends. C'est là, alors, la cause de la tristesse qui affecte la mer...
La magicienne : Oui. Toutes leurs fumées empoisonnent le ciel, et le ciel chauffe de colère. Toute la terre est en train de chauffer de colère et d'indignation à cause de ces hommes qui se conduisent comme des géants furieux, au lieu d'être polis comme des invités. Le ciel chauffe de colère, et la chaleur du ciel accable la mer d'une fièvre qu'elle supporte mal. Et c'est cette fièvre de la mer qui retire la vie des poissons. Et c'est pourquoi, peu à peu, nos filets se vident et notre avenir devient incertain.
Le grand-père : Cela me fait peur pour mes enfants.
La magicienne : Bien sûr, mon frère, ce ne sont pas des bonnes nouvelles.
Le grand-père : Qu'allons-nous faire alors ?
La magicienne : Je ne sais pas. Mais l'esprit a dit qu'il allait nous aider.
Le grand-père : Vraiment ?
La magicienne : Oui. Il a dit qu’il allait aider, et qu’il était encore possible de guérir la mer malade.
(Ils sortent).
Monsieur Louis : Bonjour docteur.
Le médecin : Bonjour Monsieur Louis.
Monsieur Louis : Merci d'être venu si vite.
Le médecin : Alors dites-moi, qu'est-ce qu'il a ce jeune homme ?
Monsieur Louis : Je ne sais pas docteur ; vous allez voir vous-même.
Le médecin : Oui. Allons voir ça.
(Ils s’approchent du lit où est couché Sébastien. À côté de lui, Madame Louis est assise, inquiète).
Le médecin : Bonjour Madame Louis.
Madame Louis : Bonjour docteur.
Le médecin : Alors comment te sens-tu Sébastien ?
Sébastien : Pas trop.
Le médecin : Voyons, est-ce qu'il a de la fièvre. Ah oui, il a une bonne fièvre. Est-ce que tu as mal à la gorge ?
Sébastien : Non.
Le médecin : Et tes articulations, est-ce qu'elles te font mal ?
Sébastien : Non.
Le médecin : Tu ne respires pas bruyamment non plus, apparemment les voies respiratoires ne sont pas encombrées.
(Le médecin lui tate les ganglions au niveau du cou).
Le médecin : Tu n'as pas de ganglions non plus. Et le ventre, est-ce que tu as des douleurs quelque part au ventre ?
Sébastien : Non. Rien.
Le médecin : Comment te sens-tu alors ?
Sébastien : Je me sens fatigué. Et mon cœur est lourd, comme si on avait mis une pierre dessus.
(Le médecin sort son stéthoscope et écoute le cœur).
Le médecin : C'est étrange, ce cœur. On ne dirait pas qu'il bat. On dirait qu'il marche, qu'il marche tout doucement. Je n'ai jamais entendu cela. C'est très étrange, vraiment. Quand cela a-t-il commencé ?
Monsieur Louis : Eh bien, il y a trois jours. Dimanche en fin d'après-midi, il est allé s'allonger, et depuis il n'a pratiquement pas bougé de là.
Le médecin : C'est drôle. Sébastien, dis-moi comment ça a commencé ? Décris-moi tes impressions ?
Sébastien : Je ne sais pas. C'est mon cœur qui est devenu lourd. Je ne sais pas bien comment le décrire. C'est comme si mon cœur m'avait un peu échappé. J'ai senti que je devais m'allonger, et je n'ai pas réussi à me relever ensuite.
Le médecin : Et est-ce que tu manges normalement ?
Sébastien : Je n'ai pas faim. J'ai mangé un peu pour faire plaisir à maman, elle m'a donné de la soupe, du poulet, du pain et du fromage. Enfin, ça c'était aujourd’hui. Elle m'a même donné un peu de café pour voir si ça me réveillerait.
Le médecin : Et ça a fait de l'effet ?
Sébastien : Non.
Le médecin : Est-ce qu'il y a des choses que tu auras envie de manger, toi ? Est-ce qu'il y a des choses qui te font envie ?
Sébastien : Non.
(Le médecin lui touche encore le front, la gorge, lui écoute encore le cœur).
Le médecin : C'est drôle, je ne reconnais aucun symptôme. Je ne vois vraiment pas ce que ça peut être.
Monsieur Louis : Je vois. Vous êtes le troisième médecin qui vient ausculter Sébastien, et vous dites tous la même chose.
Madame Louis : Peut-être qu'il faudrait le faire hospitaliser ?
Le médecin : Je ne sais pas Madame. Lui faire des examens, peut-être. Mais je ne vois pas de raison de l'hospitaliser. Il ne présente pas les symptômes d'une maladie grave, et encore moins dangereuse. C'est plutôt quelque chose d'inexplicable.
Madame Louis : Ah docteur ! Je ne sais vraiment pas quoi dire.
Le médecin : Écoutez, Madame, je pense que le mieux est qu'il garde le lit quelques temps encore, et nous verrons comment cela évolue. Vous me tiendrez au courant en ce qui concerne sa fièvre, et vous me direz si de nouveaux symptômes apparaissent.
Monsieur et Madame Louis : D'accord docteur.
Le médecin : Appelez-moi demain pour me tenir au courant.
Madame Louis : C'est entendu.
Le médecin : Allez Sébastien, courage. Je te laisse entre de bonnes mains : tes parents prennent soin de toi.
Sébastien : Oui docteur.
Le médecin : Et toi, tache de bien manger et à bien te reposer. Je ne sais pas ce que tu as, mais nous verrons bien. Il se peut bien que ça guérisse tout seul.
Monsieur Louis : D'accord.
Le médecin : Allez, au revoir Sébastien.
Sébastien : Au revoir docteur.
(Le docteur s'en va).
Monsieur Louis : Il n'a pas dit grand-chose de plus que les autres, en définitive.
Madame Louis : Non, vraiment pas.
Monsieur Louis : C'est bizarre. Pas un d'eux ne sait ce qu'il a, et pas un ne veut l'hospitaliser.
Madame Louis : Oui. J'ai l'impression qu'on tourne en rond avec eux.
Monsieur Louis : Et toi Sophie, qu'est-ce que tu en penses ?
Sophie : Je n'en sais rien. Je ne suis pas médecin.
Monsieur Louis : Non, mais tu connais bien ton frère. Et il te dit plus de choses à toi, qu’à nous.
Sophie : C'est vrai, mais...
Monsieur Louis : Mais quoi ?
Sophie : Ça ne m'aide pas à savoir ce qu'il a. La seule chose que je sais, c'est qu'il était très triste l'autre jour.
Madame Louis : Pourquoi, tu crois qu'il a une peine de cœur ?
Sophie : Non, ce n'est pas ça.
Madame Louis : Alors quoi ?
Sophie : C'est ce documentaire qu'on a regardé ensemble.
Monsieur Louis : Quel documentaire ?
Sophie : Le documentaire sur la montée des eaux. C'était sur Arte dimanche après-midi. Ça expliquait comment le changement climatique est en train de faire fondre la glace polaire. Et comment les océans montent partout sur la terre. Ça expliquait aussi que ça dérègle complètement l’équilibre des océans.
Monsieur Louis : Oui, c'est vrai, c'est quelque chose de préoccupant. Mais quand même, il n'y a pas de quoi se rendre malade.
Madame Louis : Oh Xavier... Tu sais bien que l'imagination des enfants ne fonctionne pas comme ça.
Monsieur Louis : C'est vrai.
Sophie : Mais ce n'est pas de l'imagination. C'est la réalité. Nous l'avons vu dans le documentaire.
Madame Louis : Oui, bien sûr, Sophie. Mais je veux dire, l'effet que ça produit sur lui. Enfin, si c'est bien de cela qu'il s'agit.
Monsieur Louis : Ça, nous n'en savons rien.
Sophie : Ce que je sais, c'est qu'il en a rêvé ensuite.
Monsieur Louis : Comment ça ?
Sophie : Oui, je l'ai entendu, de ma chambre.
Madame Louis : Qu'est-ce que tu as entendu ?
Sophie : Il parlait pendant qu’il dormait. Il parlait des eaux qui montent. De la mer qui est triste, et des poissons qui s'en vont. C'est tout ce que j'ai entendu.
Monsieur Louis : Moi je doute que ça ait le moindre rapport avec sa maladie.
Madame Louis : Qui sait ? Tout est possible avec les enfants.
Sébastien : Vous parlez de mes rêves...
Monsieur Louis : Tiens, tu ne dors pas ?
Sébastien : Non. Je somnolais. Mais je suis réveillé maintenant.
Monsieur Louis : Tu te souviens de ce rêve alors ?
Sébastien : Oui. Je l'ai fait plusieurs fois.
Madame Louis : Raconte-nous.
Sébastien : Je ne sais pas. Enfin, je ne sais pas comment dire.
Madame Louis : Pourquoi ?
Sébastien : Ce ne sont pas des rêves comme les autres. Ce sont des rêves, on pourrait dire, des rêves réels.
Monsieur Louis : Oui, les rêves ont parfois une apparence très réelle.
Sébastien : Non, je veux dire qu'ils sont vraiment réels.
Monsieur Louis : Raconte-nous ça.
Sébastien : Eh bien, l'esprit est très grand. Enfin, il n'a pas vraiment de taille, mais il peut occuper une immense partie du ciel. Il n'a pas de corps, mais il est fort, il est présent et puissant.
Monsieur Louis : Et qu'est-ce qu'il fait ? Qu'est-ce qu'il dit ?
Sébastien : Il dit que le peuple des îles est en train de mourir, à cause du grand départ des poissons.
Monsieur Louis : Qu'est-ce que c'est que ça ?
Madame Louis : Écoute-le, au lieu de l’interrompre !
Sébastien : C'est ce qu'il dit. Il dit que la mer a changé. Il dit que l'eau gonfle, que la peau de la mer est enflée et qu'elle va manger les îles où vivent ses petits-enfants.
Madame Louis : Et ça te fait peur, quand tu rêves de ça ?
Sébastien : Ce n'est pas vraiment que ça me fait peur. Bien sûr que ça me fait un peu peur. Mais je sens surtout que mes forces s'en vont dans cet immense ciel, comme si c'était l'esprit qui me les prenait.
Monsieur Louis : Oui, c'est juste un cauchemar un peu particulier, en somme.
Sophie : Je n'en ai pas l'impression.
Sébastien : Non, papa. Ce n'est pas un cauchemar. C'est un rêve qui dit quelque chose. Et je comprends clairement que ça va continuer.
Monsieur Louis : Mais qu'est-ce que c'est que ces sornettes !
Madame Louis : Laisse-le, tu vois bien qu'il est fatigué.
Sébastien : Ça n'a rien à voir avec ma fatigue. Mais c'est pas grave si vous ne me croyez pas. Nous verrons bien ce qui se passe. Moi je ne suis pas inquiet. Je suis bien trop fatigué pour être inquiet.
Monsieur Louis : Tout ça ne me rassure pas, vraiment.
Madame Louis : Moi non plus.
Sophie : Mais d’un côté, ça arrive souvent que, quand on a de la fièvre, on ait de drôles d'idées.
Monsieur Louis : Oui. C'est probablement cela. Ce qui m'ennuie, c'est que je dois faire ce voyage pour mon travail. Je n'ai pas envie de vous laisser comme ça. D'un autre côté, je suis obligé d'y aller.
Madame Louis : Quel voyage ?
Monsieur Louis : Dans les îles Andaman. Tu te souviens ? Je t'en ai parlé.
Madame Louis : Ah oui, c'est vrai. C'est pourquoi déjà ?
Monsieur Louis : Tu sais, nous avons ce projet d'extraction, avec la compagnie. Nous voulons créer une mine là-bas. Il y a du charbon en quantité, et de l'argent.
Madame Louis : Et tu dois partir quand déjà ?
Monsieur Louis : Dimanche. Je vais rester quatre jours là-bas. Enfin, en comptant les vols, je serai absent six jours. Ça me gêne de partir maintenant, mais je n'ai vraiment pas le choix.
Madame Louis : Oui je comprends. Ce voyage est prévu depuis longtemps. Mais ne t'inquiète pas, nous allons nous débrouiller en ton absence.
Sophie : Moi j'aimerais tellement venir avec toi, papa...
Monsieur Louis : C'est vrai que j’avais parlé de vous emmener. Mais ton frère n’est pas en état. Et seule, tu risques de t'ennuyer là-bas.
Sophie : Oh, je ne crois pas. Quand on voyage, il y a toujours des choses à observer !
Madame Louis : Elle a raison.
Monsieur Louis : D'un autre côté, je vais visiter les futurs sites d'extraction et rencontrer des gens. Il y aura pas mal de choses à voir. Les sites sont pour l’instant des jungles, ça doit valoir le coup d’oeil...
Sophie : Ah ! Tu vois !
Monsieur Louis : Et il paraît que les gens sont très amicaux...
Sophie : Et puis je suis en vacances papa !
Madame Louis : Tu crois que tu pourrais l'emmener ?
Monsieur Louis : Oui bien sûr, je peux payer son billet. Ça ne sera pas pris en charge par la compagnie. Mais pourquoi pas, puisqu'elle est en vacances.
Sophie : Sébastien, tu entends ça ? Je pars aux îles Andaman !
Sébastien : Oui, Sophie, j'entends. Tu en as de la chance. Il faudra que tu me racontes après, hein ?
Sophie : Bien sûr. À condition que tu guérisses.
Sébastien : Compte sur moi. Peut-être que l'esprit voudra bien me laisser guérir. Je lui dirai que vous partez dans les îles, et que vous allez admirer la mer, là-bas. C'est vrai, hein ? Vous allez rencontrer un peuple de la mer, puisque c'est sur des îles.
Sophie : Oui.
Sébastien : C'est drôle d'imaginer des gens de l'autre côté de la terre. Tu ne les connais pas, mais bientôt tu les connaîtras. Et pourtant, aujourd’hui, tu ne peux pas imaginer qui ils sont. Tu ne peux pas imaginer leur façon de parler, les lieux où ils habitent, les odeurs de leur cuisine... Et bientôt tu connaîtras tout cela, et ça fera un peu partie de ta vie. Je t’envie. Il faudra que tu me racontes...
Sophie : Compte sur moi. Je te raconterai aussi bien que je pourrai.
Monsieur Louis : Et puis nous ferons des photos. Nous ramènerons plein d’images, comptez sur nous.
(Ils sortent).
Monsieur Louis : Ah ! Quelle bêtise ! Nous n'aurions jamais dû quitter le groupe !
Sophie : Ne t'inquiète pas papa, nous allons les retrouver.
Monsieur Louis : C'est trop bête. Juste parce qu'on s'est arrêtés cinq minutes.
Sophie : Je suis désolée. Il fallait absolument que j'aille au petit coin.
Monsieur Louis : Je sais, je sais. Mais maintenant il s'agit de retrouver les autres. La visite se déroulait si bien.
Sophie : Oui, c'était intéressant, mais vous êtes sûrs que vous voulez construire une mine ici ?
Monsieur Louis : Nous ne voulons pas la construire. Nous voulons la creuser.
Sophie : Oui, tu comprends ce que je veux dire.
Monsieur Louis : Oui nous en sommes sûrs. D'après nos indications géologiques, le sous-sol regorge de charbon.
Sophie : Mais est-ce que ce n'est pas mauvais pour la nature ? Cette forêt est si belle...
Monsieur Louis : Mauvais pour la nature ? Un peu, peut-être. Mais pas tant que ça. Et il faut bien du charbon.
Sophie : J'espère que tu as raison. Les paysages sont magnifiques ici, il ne faut pas trop les abîmer.
Monsieur Louis : C'est vrai que c'est beau. Tiens, on dirait que par là il y a un deuxième chemin.
Sophie : Lequel choisir alors ?
Monsieur Louis : Essayons celui de droite. Il a l'air plus emprunté que l'autre.
Sophie : D'accord.
Monsieur Louis : J'ai trouvé que les explications de l'ingénieur étaient très intéressantes.
Sophie : Moi aussi, mais je n'ai pas tout compris.
Monsieur Louis : On ne comprend jamais tout, Sophie. L'important c'est d'avoir l'idée.
Sophie : Moi j'aime bien tout comprendre.
Monsieur Louis : C'est préférable, oui.
Sophie : Tiens regarde, papa ! Nous arrivons à un village, on dirait. Voilà des huttes.
Monsieur Louis : Oui, tu as raison. Il y a même un homme, là, il va pouvoir nous renseigner. Sophie et Monsieur Louis : Bonjour monsieur.
Le grand-père : Bonjour étrangers. Soyez les bienvenus.
Sophie et Monsieur Louis : Merci.
Monsieur Louis : Excusez-nous, monsieur, nous étions avec un groupe et nous nous sommes égarés. Est-ce que vous ne les avez pas vus ? Ils ont des casquettes comme nous, de ma compagnie.
Le grand-père : Non je ne les ai pas vus. Je les aurais remarqués sinon.
Monsieur Louis : Bien sûr. De quel côté ont-ils bien pu partir alors ?
Le grand-père : Notre île n'est pas bien grande, étranger. Vous allez les retrouver. Mais asseyez-vous. Laissez-moi vous montrer un peu d'hospitalité. Vous avez probablement soif, avec cette chaleur ?
Monsieur Louis : C'est vrai que nous boirions volontiers un peu d'eau.
Sophie : Oh oui, bien volontiers !
Le grand-père : Asseyez-vous, je serais heureux de partager un peu avec vous.
(Il quitte la scène il revient avec un pot d'eau et trois verres. Il sert à boire. Cham apparaît un instant plus tard).
Le grand-père : Voici mon petit-fils, Cham.
Cham : Bonjour.
Sophie et Monsieur Louis : Bonjour.
Le grand-père : D'où venez-vous ?
Monsieur Louis : Nous venons de l'autre côté de l'océan.
Sophie : Notre pays s'appelle la France.
Cham : La France... Je crois que j'en ai déjà entendu parler. C'est aussi une île, non ?
Sophie : Non, mais il y a aussi l'océan à plusieurs endroits sur nos côtes.
Le grand-père : Ah. Vous êtes un peuple de pêcheurs vous aussi ?
Monsieur Louis : Non. Enfin il y a des pêcheurs chez nous aussi, mais les gens font toutes sortes de métiers.
Le grand-père : Ici aussi il y a différents métiers. Nous tressons la paille pour les huttes, nous coupons le bois et le taillons pour le travailler. Mais les gens chez nous, en général, connaissent plusieurs métiers.
Sophie : Je comprends
Le grand-père : Qu'est-ce qui vous amène sur notre île ?
Monsieur Louis : Nous voulons créer une mine de charbon.
Cham : Qu'est-ce que c'est qu'une mine de charbon ?
Sophie : C'est un trou dans la terre, pour extraire du charbon des profondeurs.
Cham : Et à quoi ça sert ?
Sophie : Ça sert à vendre du charbon. On retire le charbon du sous-sol, et ensuite on peut le vendre.
Monsieur Louis : Votre île va gagner de l'argent avec cette mine.
Le grand-père : Ah bon. Et qu'est-ce que nous ferons avec cet argent ?
Monsieur Louis : Ce que vous voulez. Vous pourrez acheter des choses.
Le grand-père : Je ne sais pas trop ce que nous pourrions acheter. Notre île nous donne tout ce dont nous avons besoin pour vivre.
Monsieur Louis : Peut-être que vous pourrez acheter de nouvelles choses, des choses que vous ne connaissez pas encore.
Le grand-père : Peut-être. Nous verrons. Et vous, vous allez gagner de l'argent avec la mine de charbon ?
Monsieur Louis : Oui.
Cham : Et c'est pour ça que vous êtes ici ?
Monsieur Louis : Oui.
Cham : Je vois.
(Le vieil homme et Cham se taisent).
Sophie : C'est très joli votre île. C'est ce que mon père et moi nous nous disions, en marchant dans la forêt, avant d'arriver ici.
Le grand-père : Oui, elle est très belle. C'est une grande amie pour nous tous. C'est notre mère.
Sophie : Vous dites ça parce qu'elle vous permet de vivre...
Le grand-père : Oui. Parce qu'elle nous permet de vivre, et parce qu'elle nous a donné la vie.
Sophie : C'est vrai. Nous pourrions dire ça de la terre dans son ensemble.
Le grand-père : Oui, jeune fille, de la terre et de la mer.
(La magicienne entre).
Le grand-père : Ah. Voici notre sœur de sagesse. Notre magicienne. Sois la bienvenue ma sœur. Assieds-toi avec nous.
La magicienne : Merci. Bonjour étrangers.
Sophie et Monsieur Louis : Bonjour madame.
La magicienne : Je vois que vous avez fait un très grand voyage pour venir nous rendre visite. Vous avez même traversé plusieurs mers.
Monsieur Louis : Comment savez-vous ?
La magicienne : Je vois bien que vous êtes très différents des gens de cette île, et je suppose que si vous êtes si différents, c'est parce que votre pays est très éloigné.
Sophie : C'est vrai.
La magicienne : Et votre voyage doit avoir un but, alors.
Monsieur Louis : Oui. Il a pour but de faire votre fortune, et un peu aussi la nôtre.
La magicienne : Notre fortune ? Mais nous n'avons pas besoin de fortune. Nous avons tout ce qu'il faut pour vivre ; nous n'avons besoin de rien d'autre. Si nous avions besoin d'autre chose, cela voudrait dire que nous n'avons pas ce dont nous avons besoin. Mais je l’ai dit : nous avons tout ce dont nous avons besoin.
Le grand-père : C'est vrai ma sœur. Tes mots sont justes. Pourtant, nous n'avons plus tout à fait ce dont nous avons besoin.
La magicienne : Tu veux parler du poisson ?
Le grand-père : Oui.
La magicienne : Mais ce n’est pas la fortune qu’ils nous proposent qui fera revenir le poisson.
Sophie : Qu'y a-t-il avec le poisson ?
La magicienne : C'est une question grave que tu poses, jeune fille. Mais je vais te répondre, puisque tu as fait un si long voyage. Le poisson se fait rare chez nous. La mer monte, elle est chaude et enflée, elle est inquiète et triste, et le poisson commence à manquer.
Sophie : Ah oui, je sais, la mer monte. J'en ai entendu parler. Je sais que c'est un problème grave, là où les hommes vivent sur des îles. Ils risquent de perdre leurs terres.
Cham : Oui, notre Terre a un peu rétréci. Mais surtout, les poissons que la mer nous donne commencent à manquer.
Sophie : Je le sais, je l'ai vu à la télévision.
Monsieur Louis : Ne parle pas de ça, ils ne savent pas ce que c'est la télévision, les pauvres.
Sophie : C'est vrai. Enfin, j'en ai entendu parler, avec mon frère.
La magicienne : Son frère.... Oh son frère... (Elle prend sa tête dans ses mains).
Monsieur Louis : Qu'est-ce qui lui arrive ?
Le grand-père : Notre sœur est magicienne. Parfois, elle voit elle entend des choses étranges, mais il faut la laisser. À moins qu'elle veuille parler, il ne faut pas la questionner.
La magicienne : Son frère est malade. L'esprit est allé le chercher. L'esprit de l'île et des ancêtres.
Sophie : Que dit-elle ?
Monsieur Louis : Elle parle d'un esprit qui est allé chercher Sébastien.
Sophie : Oui j'ai entendu. Comme c'est étrange...
Le grand-père : Pourquoi ?
Sophie : Mon frère aussi parlait d'un esprit...
Monsieur Louis : C'est vrai.
La magicienne : L'esprit est allé le chercher, pour que nous parlions au grand constructeur, celui qui veut faire le grand puits, pour sortir la terre noire.
Monsieur Louis : La terre noire ? Le grand puits ? Mais, on dirait qu'elle parle de la mine.
La magicienne : L'esprit est allé le chercher pour que nous lui disions d'arrêter, et pour qu'il nous écoute.
Monsieur Louis : Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Que raconte-t-elle ?
Le grand-père : Attends, étranger, ne parle pas si fort je te prie. Notre sœur voit l'esprit maintenant... Elle l'écoute, et nous ne devons pas la troubler.
Sophie : Mais c'est vrai monsieur, mon frère a vu un esprit dans son sommeil malade. Il est malade, et il a vu un esprit qui lui parlait de la mer qui est malade, elle aussi. Il nous l'a dit.
Le grand-père : Je te crois, jeune fille. Mais attends un peu s'il te plaît.
La magicienne : L'esprit veut parler. L'esprit veut dire à cet homme qui maintenant est venu jusqu'ici, de renoncer au trou immense qu'il veut faire en ces lieux. Car ce trou va tuer notre île, et rendre plus malade encore la mer qui est déjà malade.
Monsieur Louis : Mais qu'est-ce que tout cela veut dire ?
(La sorcière se met à chanter).
Sophie : J'ai une drôle de sensation, papa.
Monsieur Louis : Moi aussi. J'ai envie de partir d'ici.
Le grand-père : Attendez, étranger, ne partez pas maintenant. Ne craignez pas ce que ma sœur a à vous dire. Ses paroles sont bénéfiques, croyez-moi.
Cham : C’est vrai. N’ayez pas peur. Vous pouvez lui faire confiance.
Sophie : C’est vrai ?
Cham : Oui, c’est vrai. Aie confiance...
Monsieur Louis : Moi elle m'inquiète, surtout.
(La vieille arrête de chanter).
La magicienne : L'esprit a parlé de toi, étranger. Et il m'a montré ce que tu voulais faire. Notre île était devenue un trou, énorme et mort. Les arbres pourrissaient misérablement, et les animaux périssaient. Toute l’île versait un sang noir dans la mer empoisonnée, et les pêcheurs mourraient de cette eau noire, et de l'absence de poisson.
Monsieur Louis : Mais, ce sont des superstitions !
Sophie : Attends papa. Tu ne peux pas dire ça. Nous sommes chez eux...
La magicienne : Et il m'a montré aussi ton fils qui est malade, et dont le sort est lié au sort de cette île, et à celui de nos enfants.
Monsieur Louis : Quoi ?
La magicienne : Oui, ton fils est malade car notre île est malade. L'esprit de notre île a partagé avec lui la maladie dont nous souffrons. Tu dois arrêter ton projet. Notre île devra guérir, et ton fils guérira avec elle.
Monsieur Louis : Mais c'est impossible !
Sophie : Attends, papa.
Monsieur Louis : Nous sommes venus exprès ici. Nous avons fait le voyage avec des ingénieurs et avec des experts. Nous ne pouvons pas repartir comme ça !
La magicienne : Il t'appartient de sauver ton fils, étranger, en nous aidant à sauver notre île. Lui et nous sommes liés, comme le frère et la sœur sont liés. Si nous revivons, il revivra.
Monsieur Louis : Mais je refuse d'entendre des choses pareilles !
Sophie : Papa, tu dois l'écouter ! Tu vois bien que ce qu'elle dit, ce n'est pas n'importe quoi. Elle parle exactement de Sébastien.
La magicienne : L'esprit t’a choisi car tu es un homme puissant, étranger. Tu peux nous aider.
Sophie : Tu vois, elle sait que c’est toi le directeur de l’entreprise. Elle sait tout, apparemment. Tu ne peux pas rejeter sa parole.
Monsieur Louis : Mais...
La magicienne : Je vois bien que c'est difficile à croire pour toi, étranger. Mais si tu regardes mon cœur, si tu regardes le cœur de mon frère ici présent, et de ceux que tu croiseras dans cette île, tu verras bien que nous sommes sincères. Quand nous parlons de notre survie, il ne sort de nos bouches que des paroles de vérité.
Monsieur Louis : Mais... C'est de la folie...
Le grand-père : Non étranger, ce n'est pas de la folie. C'est de la sagesse. Parfois, ça se ressemble beaucoup. Mais fais-nous confiance. Ton fils guérira, si ma sœur le dit.
Cham : Oui, faites-nous confiance. Nous aussi, nous voulons vous faire confiance.
Sophie : Allons, papa. Il faut les écouter. Ils disent la vérité. Moi aussi, je trouve ça incroyable, mais ça se voit, qu’ils disent vrai.
Monsieur Louis : Bon. Je vais voir ce que je peux faire. C'est fou, mais je vais essayer.
Le grand-père : Merci, étranger. Nous voyons bien que tu es un homme bon de cœur.
(Ils se lèvent et ils partent).
Le médecin : Alors là, vraiment, je n'y comprends rien.
Monsieur Louis : Vous avez déjà dit cela la dernière fois, docteur.
Le médecin : Oui mais la dernière fois, je ne comprenais rien à la maladie. Cette fois-ci, je ne comprends rien à la guérison.
Madame Louis : Ce n'est pas grave docteur. Il y a des limites à la science, et elles sont nombreuses.
Le médecin : C'est vrai.
Monsieur Louis : En tout cas j'apprécie que vous soyez venu régulièrement rendre visite à notre fils. C'était rassurant pour nous, particulièrement lorsque j'étais absent.
Le médecin : Je vous en prie, c'est normal. Je dois vous laisser à présent.
Monsieur Louis : Attendez, je vous raccompagne.
Le médecin : Au revoir Monsieur Louis.
Madame Louis : Au revoir docteur.
(Le docteur sort, accompagné de Monsieur Louis. Monsieur Louis et les enfants rentrent.)
Madame Louis : Ah Sébastien ! Que ça fait plaisir de te voir comme ça !
Sébastien : Mais arrêtez de me dire ça ! Vous me le répétez toutes les 5 minutes.
Madame Louis : Oui pardon. Et si un jour tu as des enfants, tu comprendras. En tout cas, le médecin a dit qu'il ne comprenait rien à ton cas.
Sophie : Entre nous, papa, toi aussi tu n'y comprends pas grand-chose...
Madame Louis : Tu as raison Sophie. J'avoue que ça dépasse ma compréhension. Mais le principal c'est que ça ait marché.
(Monsieur Louis revient).
Sébastien : Moi je ne suis pas étonné. Mais il faut dire que j'ai connu ces rêves de l'intérieur. Même en les racontant du mieux que je peux, il m'est impossible de vous décrire...
Sophie : Quoi ?
Sébastien : Cet esprit. Comme il était présent, et puissant. Et bienveillant aussi, malgré la menace de la maladie. J'ai senti tout ça.
Sophie : Tu as raison, tu ne peux pas nous le décrire.
Madame Louis : Ah, cette histoire d'esprit, arrêtez d'en parler, vous savez bien que ça me fait peur.
Monsieur Louis : Il n'y a plus rien à craindre maintenant.
Madame Louis : Mais quand même. Je n'aime pas ces histoires. Xavier tu viens m'aider dans la cuisine, j'ai besoin d'un coup de main pour le repas.
Monsieur Louis : D'accord.
(Les parents sortent).
Sophie : Alors c'est vrai, il était bienveillant ?
Sébastien : Oui. Un tout petit peu inquiétant, mais bienveillant.
Sophie : Alors tu n'as plus peur du tout.
Sébastien : Non. Et même...
Sophie : Quoi ?
Sébastien : Parfois, il me manque même un peu.
Sophie : Qu'est-ce que tu racontes ?
Sébastien : Je t'assure. Je m'étais habitué à sa présence.
Sophie : Tu es vraiment bizarre, toi.
Sébastien : Peut-être. Et ce voyage ? Tu m'avais dit que tu me raconterais.
Sophie : C'est vrai. Mais ça aussi, c'est difficile à raconter. Ce sont des gens si différents, que nous avons rencontrés là-bas...
Sébastien : Ils étaient comment ?
Sophie : Ils étaient très polis. On voyait qu'ils prenaient extrêmement soin de ce qui était autour d'eux. De leur hutte, de leur bateau... de leurs outils et de leurs filets... Et aussi, ils ont toujours pris soin de nous.
Sébastien : Comment ça, par exemple ?
Sophie : Ils ne nous ont jamais laissé avoir soif, ni avoir faim. Ils ne nous ont jamais laissé attendre debout, quand ils pouvaient nous proposer de nous asseoir. Et puis, dans leur façon d'être... Je te dis, c'est difficile à expliquer. Et puis surtout, il y avait cette dame, cette magicienne.
Sébastien : Comment était-elle ?
Sophie : Étrange. Elle nous a parlé de l'esprit. Elle a expliqué que papa devait arrêter le projet avec la mine de charbon, et que c'était ça qui te guérirait.
Sébastien : Ça n'a pas dû être facile à accepter pour lui !
Sophie : Oh que non ! Mais il a fini par se rendre à l'évidence. Ça ne pouvait pas être une coïncidence.
Sébastien : Tu as de la chance d'avoir vu tout cela.
Sophie : Oui. Moi aussi, ça me manque un peu, maintenant.
Sébastien : Tu as vraiment de la chance.
Sophie : Oh, je suis sûre que tu pourras y aller toi aussi. Il faudra en parler aux parents.
Sébastien : Oui... C’est une bonne idée.
Sophie : Maintenant que tu es guéri, nous pourrions y aller tous les quatre. Je crois que nous avons de grands amis là-bas. Et nous commençons à peine à faire connaissance.
FIN